Introduction : enjeux pour les startups
La marque est un actif stratégique pour toute startup, servant à distinguer ses produits ou services sur le marché et à asseoir sa réputation.
Sa protection juridique est essentielle pour sécuriser son exploitation, prévenir les conflits et valoriser l’entreprise. Par ailleurs, la marque peut constituer un levier d’optimisation fiscale, notamment via certains dispositifs fiscaux favorables à la propriété intellectuelle.
Il s’agit donc de maîtriser à la fois les étapes de protection de la marque (dépôt, gestion, défense) et les mécanismes d’optimisation fiscale liés à son exploitation.
I. Démarches juridiques pour protéger une marque
1. Dépôt de la marque : étapes et conditions
a) Qui peut déposer une marque ?
Toute personne physique ou morale, sans condition de nationalité, peut déposer une marque en France, individuellement, en copropriété ou collectivement. Toutefois, si le déposant n’a ni domicile ni siège sur le territoire de l’Espace économique européen, il doit constituer un mandataire agréé
b) Modalités du dépôt
Le dépôt s’effectue auprès de l’INPI, sur place ou en ligne. La date de dépôt est celle de la réception de la demande.
c) Contenu du dossier
Le dossier doit comprendre :
- L’identification du déposant,
- La représentation de la marque,
- L’énumération des produits ou services auxquels elle s’applique et des classes correspondantes,
- La justification du paiement des redevances,
- Les documents spécifiques selon la nature du déposant ou de la marque (mandat, preuve d’usage, règlement d’usage pour marque collective, etc.),
- Pour les étrangers hors France, la justification du dépôt dans le pays de domicile et de la réciprocité de protection d) Formats et spécificités techniques
Pour les signes non alphanumériques, ils doivent être déposés sous forme d’image numérique aux formats exigés par l’INPI. Toute non-conformité technique peut entraîner l’exclusion du dépôt par voie électronique.
2. Défense de la marque
a) Actions et recours
Une fois la marque enregistrée, son titulaire dispose de plusieurs moyens juridiques pour la défendre :
- Action en contrefaçon contre toute utilisation non autorisée,
- Action en concurrence déloyale, notamment si la contrefaçon n’est pas caractérisée ou pour des faits distincts
b) Nullité ou déchéance
Il est possible de demander la nullité ou la déchéance d’une marque concurrente auprès de l’INPI. La partie gagnante peut demander la prise en charge de ses frais par la partie perdante, selon un barème fixé par arrêté
II. Optimisation fiscale de la gestion de la marque
1. Régime fiscal des produits de propriété intellectuelle (« régime nexus »)
a) Principe
Le régime fiscal français transpose l’approche « nexus » de l’OCDE et de l’UE, qui lie l’avantage fiscal à la proportion des dépenses de R&D engagées par l’entreprise pour la création ou le développement de l’actif de propriété intellectuelle.
Les produits issus de la cession, concession ou sous-concession de marques (lorsqu’elles sont éligibles) peuvent, sur option, être taxés à un taux réduit de 10 %.
b) Modalités d’application
- L’option est formulée dans la déclaration de résultats de l’exercice concerné, pour chaque actif ou famille homogène d’actifs.
- Si la société cesse d’appliquer ce régime pour un exercice, elle en perd définitivement le bénéfice pour l’actif concerné.
- En l’absence d’option, les produits sont imposés au taux de droit commun
c) Détermination du résultat net éligible
Il s’agit de déduire les dépenses de R&D du résultat issu de l’exploitation de la marque, puis d’appliquer un ratio (le « ratio nexus ») pour corréler l’avantage fiscal à la proportion de R&D effectuée par l’entreprise ou une entreprise non liée
d) Tableau récapitulatif du régime fiscal
Nature du produit | Taux d’imposition | Conditions principales | Option nécessaire |
---|---|---|---|
Cession/concession marque | 10 % | Dépenses de R&D, ratio nexus | Oui |
Absence d’option | Taux de droit commun | – | Non |
2. Autres optimisations spécifiques
a) Exonération partielle pour certains impatriés
Les titulaires de certains revenus de propriété intellectuelle peuvent bénéficier d’une exonération de 50 % sur l’impôt sur le revenu, sous conditions spécifiques.
b) Attention aux dispositifs anti-abus
La localisation des actifs de propriété intellectuelle dans des entités étrangères doit reposer sur une réalité économique et ne pas avoir pour objectif principal l’optimisation fiscale ; l’administration contrôle la substance des entités et peut requalifier les opérations en cas d’abus de droit.
Conclusion et application au cas des startups
Pour une startup en France, la protection juridique de la marque passe par un dépôt rigoureux auprès de l’INPI, un suivi administratif attentif, et la mise en place d’une stratégie de défense adaptée (actions en contrefaçon, concurrence déloyale, gestion des évolutions de la marque)
Une attention particulière doit être portée à la gestion documentaire et à la conformité technique des dépôts.
Sur le plan fiscal, l’optimisation passe par l’application du régime « nexus » (CGI art. 238, art. 219, I-a-al. 2, et art. 158, 4), permettant, sous conditions, de bénéficier d’un taux réduit de 10 % sur les produits liés à l’exploitation de la marque.
Il est indispensable de documenter et de justifier les dépenses de R&D associées à la marque pour sécuriser l’application de ce régime. Enfin, toute stratégie de localisation des actifs ou de structuration internationale doit s’appuyer sur une réalité économique tangible pour éviter tout risque de requalification pour abus de droit.