Introduction : contexte et problématique
Une startup souhaitant se constituer en société doit choisir une forme juridique adaptée à ses besoins, ambitions et contraintes.
La décision doit reposer sur une analyse détaillée des objectifs du projet, du mode de gouvernance envisagé, de la répartition des pouvoirs, de la responsabilité des associés, des modalités d’entrée et de sortie du capital, des perspectives de levée de fonds, du régime fiscal, ainsi que des aspects sociaux et patrimoniaux.
Il est donc essentiel de comparer les principales formes sociales disponibles (SAS, SARL, SA, société civile, etc.) afin d’identifier celle qui conviendra le mieux à la réalité et à l’évolution attendue de la startup.
1. Principaux critères juridiques à analyser
a) Liberté statutaire et souplesse d’organisation
- Société par actions simplifiée (SAS) :
- Les statuts fixent librement les conditions dans lesquelles la société est dirigée, offrant une grande liberté contractuelle pour organiser la gouvernance, la répartition du pouvoir de décision et les modalités d’entrée et de sortie du capital.
- Idéale pour organiser un pacte d’actionnaires, prévoir des droits de préemption, d’agrément ou d’exclusion.
- SARL :
- Régime plus encadré, moins de souplesse dans la répartition des pouvoirs et des droits des associés
- SA :
- Structure plus lourde, régime juridique impératif, peu de marge pour adapter les statuts
b) Responsabilité des associés
- SAS, SARL et SA : Responsabilité limitée au montant des apports (« Les associés des sociétés de capitaux ne sont responsables financièrement qu’à hauteur de leurs apports […] ils ne peuvent donc pas être appelés à payer les dettes de la société. La SARL et la SAS sont des sociétés hybrides, qui empruntent leur régime à ces deux types de sociétés : la personnalité des associés n’y est pas indifférente mais leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports. ») [6], (« Leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports C. com., art. L. 227-1 ; mod. par L. n o 2019-744, 19 juill. 2019, art. 27. »)
- Société civile, SNC : Responsabilité indéfinie et solidaire des associés, à éviter pour limiter le risque patrimonial
- (« Les associés doivent expressément désigner un ou plusieurs gérants […] Les associés sont indéfiniment et conjointement responsables du passif social. Cette responsabilité est proportionnelle au nombre de parts détenues […] L’associé est tenu des dettes sociales exigibles avant son retrait. »), (« Un inconvénient important de cette forme sociale tient à la responsabilité indéfinie qui pèse sur les associés. »)
c) Nombre d’associés et évolution possible
- SAS : Un ou plusieurs associés, aucun maximum, possibilité d’évoluer facilement vers une structure plus ouverte
- SARL : Maximum de 100 associés
- SA : Minimum de 2 associés (non cotée) ou 7 (cotée), pas de maximum
d) Cession des titres, entrée et sortie de nouveaux associés
- SAS : Grande liberté pour organiser l’agrément, la préemption, l’inaliénabilité ou l’exclusion dans les statuts ou pactes d’actionnaires
- SARL : Cession de parts à des tiers soumise à agrément de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts
- SA : Actions librement cessibles sauf clauses statutaires restrictives, qui doivent respecter des conditions strictes de validité
e) Modalités de gouvernance et de prise de décision
- SAS : Organisation très libre, seule obligation : un président ; possibilité de dissocier le pouvoir et le capital, de prévoir des comités, des règles de vote adaptées, etc.
- SARL : Gérance obligatoire, règles de majorité impératives, pouvoir de contrôle limité des associés minoritaires
- SA : Conseil d’administration ou directoire/conseil de surveillance, structure plus lourde adaptée aux grandes entreprises et aux levées de fonds importantes
f) Accès à l’investissement, levée de fonds et appel public à l’épargne
- SAS : Pas d’appel public à l’épargne, mais possibilité d’offres auprès d’investisseurs qualifiés ou d’un cercle restreint
- SA : Seule structure permettant un véritable appel public à l’épargne et l’introduction en bourse
- SARL : Impossible de faire appel public à l’épargne
g) Régime fiscal, social et transmission
- SAS, SARL, SA : Imposition à l’impôt sur les sociétés par défaut, avec possibilité d’option temporaire pour le régime des sociétés de personnes dans certains cas
- SARL de famille : option possible pour IR sur une durée plus longue.
- Société civile : Imposée par défaut à l’IR, mais risque de requalification si activité commerciale
h) Coût, formalités et simplicité de gestion
- SARL : Gestion plus simple, obligations comptables et de publicité allégées
- SAS : Souplesse de fonctionnement mais rédaction des statuts doit être particulièrement soignée pour éviter les litiges
- SA : Gestion et obligations plus lourdes et coûteuses, adaptée aux grands projets
2. Tableau récapitulatif des principales formes juridiques
Critère |
SAS |
SARL |
SA |
Société civile |
---|---|---|---|---|
Nombre d’associés |
1 à ∞ |
1 à 100 |
2 à ∞ (non cotée), 7 min (cotée) |
2 à ∞ |
Responsabilité |
Limitée aux apports |
Limitée aux apports |
Limitée aux apports |
Indéfinie |
Liberté statutaire |
Très élevée |
Moyenne à faible |
Faible |
Élevée |
Cession de titres |
Très libre (statuts) |
Agrément obligatoire (tiers) |
Libre, sauf clause statutaire |
Agrément |
Appel public à l’épargne |
Non (sauf invest. qualifiés) |
Non |
Oui |
Non |
Gouvernance |
Très souple (statuts) |
Gérance, assemblées |
CA/Directoire/CS |
Gérance |
Régime fiscal |
IS (option IR possible) |
IS (option IR possible) |
IS (option IR possible) |
IR (option IS) |
Adaptée pour startup ? |
Oui (souplesse/levée de fonds) |
Oui (petites structures familiales) |
Oui (très grandes levées de fonds) |
Rarement |
-
3. Points d’attention spécifiques pour une startup
- Anticiper la croissance et la levée de fonds : privilégier les formes ouvertes à l’entrée d’investisseurs et permettant d’adapter la gouvernance (SAS).
- Limiter le risque patrimonial : préférer la responsabilité limitée aux apports (SAS/SARL/SA).
- Rédiger avec soin les statuts et pactes : la flexibilité de la SAS suppose une grande rigueur dans la rédaction des règles de fonctionnement, de cession, d’agrément, d’exclusion, etc.
- Tenir compte des perspectives d’appel public à l’épargne : si une introduction en bourse est envisagée à terme, la transformation en SA sera nécessaire.
- Vérifier les besoins de contrôle, de stabilité, de pouvoir de décision : le choix du mode de gouvernance (unanimité, majorité, pouvoir du président, comités, etc.) doit correspondre à la culture de la startup et à la confiance entre associés.
- Ne pas négliger les aspects fiscaux et sociaux : évaluer l’impact du choix de la forme sur la fiscalité des résultats, la rémunération des dirigeants, la protection sociale, etc.
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En résumé : application au cas d’une startup
Pour une startup, la forme juridique la plus fréquemment retenue est la SAS, en raison de sa très grande souplesse statutaire, de la limitation de la responsabilité des associés à leurs apports, de la facilité d’ouverture du capital à de nouveaux investisseurs, ainsi que de la possibilité d’adapter la gouvernance à la réalité du projet et de ses évolutions.
La SARL peut être pertinente pour de petits projets familiaux ou entre associés stables, mais son manque de souplesse limite son attrait pour les startups ayant vocation à croître rapidement ou à lever des fonds.
La SA reste adaptée aux très grands projets nécessitant un appel public à l’épargne, mais sa lourdeur est un frein à la plupart des jeunes entreprises innovantes. Enfin, la société civile est à réserver aux activités non commerciales ou à des objectifs patrimoniaux spécifiques.
Il est recommandé de se faire accompagner par un professionnel du droit pour rédiger les statuts et anticiper les besoins futurs de la startup.
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Les questions souvent posées sur la choix de la forme juridique à la création d’un startup
Quelle est la responsabilité des associés selon la forme juridique choisie par une startup ?
- Dans une SARL, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports …
- En SCA, les commandités sont responsables indéfiniment et solidairement, tandis que les commanditaires voient leur responsabilité limitée à leurs apports …
- En SNC, les associés sont responsables indéfiniment et solidairement …
Quelle forme sociale offre la plus grande souplesse statutaire et liberté dans l’organisation de la gouvernance adaptée à une startup ?
- La SAS est reconnue pour sa grande liberté statutaire et la possibilité d’aménager la gouvernance selon les besoins spécifiques des associés …
- La société civile permet aussi une large souplesse statutaire, notamment dans l’aménagement des pouvoirs du gérant et la répartition des droits de vote, mais elle est à réserver aux activités non commerciales ..
Quelles formes sociales facilitent la levée de fonds et la cession de titres pour une croissance rapide de la startup ?
- La SAS permet des placements privés, le recours à des actions de préférence, et la flexibilité en matière de financement, bien qu’elle ne puisse pas faire appel public à l’épargne …
- Les pactes d’associés, souvent utilisés en SAS, permettent de sécuriser la position des investisseurs via des clauses de cession anticipée des titres …
Quelles sont les incidences fiscales du choix de la forme juridique pour une startup (IS vs IR) ?
- Les sociétés de capitaux (SA, SAS, SARL) sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), avec un taux normal de 25 % et un taux réduit de 15 % sous conditions pour les PME …
(« L’impôt sur les sociétés est prélevé sur les bénéfices des sociétés de capitaux (SA, SAS ou SARL de droit commun) et est dû par la société elle-même. Son taux varie suivant le montant du résultat
Deux taux d’imposition sont applicables aux exercices comptables ouverts à compter du 1er janvier 2024 : — le taux normal de l’IS qui est fixé à 25 % quel que soit le chiffre d’affaires, — et un taux réduit de 15 % qui s’applique aux entreprises qui remplissent deux conditions : un chiffre d’affaires HT inférieur à 10 M€ et un capital entièrement reversé et détenu par au moins 75 % par des personnes physiques. Ce taux de 15 % s’applique jusqu’à 42 500 € de bénéfices pour les PME. »)
- Les sociétés de personnes (SNC, sociétés civiles) sont soumises à l’impôt sur le revenu (IR), chaque associé étant imposé sur sa quote-part de bénéfices … (« L’impôt sur le revenu s’applique non pas à l’entreprise ou à la société, mais directement à la personne physique qui bénéficie du revenu (entrepreneur individuel ou associé) et qui la déclare sur sa déclaration personnelle du contribuable. […] Ainsi, une société de personnes, telle que la société en nom collectif (SNC) n’est pas imposée elle-même, mais seulement au niveau de ses associés. On parle alors de transparence fiscale. ») (« Ses associés personnes physiques sont donc imposés, pour leur quote-part de bénéfice, à l’impôt sur le revenu. »).
- Le régime fiscal choisi a des conséquences sur la gestion des déficits, les possibilités de report, et l’imposition des revenus non distribués …
Quelles sont les contraintes sectorielles ou spécifiques qui peuvent influencer le choix de la forme juridique d’une startup ?
- Certaines activités sont réglementées et imposent une structure juridique particulière (ex : société civile réservée à des activités non commerciales, sociétés d’exercice libéral pour les professions réglementées) …
- Le nombre d’associés minimum ou maximum varie selon la forme : SASU ou EURL pour un associé unique, SARL ou SAS à plusieurs associés, SNC minimum deux associés …
- L’adéquation avec les projets de startup, qui nécessitent souvent souplesse, évolutivité du capital et facilité d’entrée de nouveaux investisseurs, oriente fréquemment vers la SAS …